J’ai lu récemment l’effet Pygmalion de Rosenthal une étude très intéressante sur les préjugés que l’on peut avoir sur les enfants.
L’étude l’effet Pygmalion
En début d’année scolaire, les chercheurs ont fait des tests de QI aux élèves d’une classe. Comme de par hasard, les résultats de ces tests se sont retrouvés par erreur dans les mains des enseignants. En fait, ces résultats leur avaient été donné de façon délibérée et il s’agissait de faux résultats. Mais ça, les professeurs ne le savaient pas.
L’année s’est écoulée et d’autres tests ont été réalisés à la fin de l’année. Et alors, surprise, les enfants qui étaient censés avoir un fort QI en début d’année, selon les faux résultats du premier test, se retrouvaient avec de meilleurs résultats que les élèves supposés avoir un QI moyen. Cette différence était fausse au départ, mais la croyance que les adultes ont eu dans cet écart l’a rendu réel.
Lorsqu’on s’attend à ce qu’un élève soit performant et intelligent, inconsciemment, on l’encourage, on le pousse à aller plus loin. A l’opposé, si on pense qu’il est nul, bête, limité, on le regarde différemment, on attend moins de lui et il a de moins bons résultats.
N’allons pas jeter la pierre à ces pauvres enseignants de l’étude. C’est un mécanisme humain, inconscient. Ils n’ont pas délibérément abandonné les plus faibles au profit des plus intelligents. Ils ont été, eux-même, victimes de leurs préjugés.
Ce qui est intéressant à retenir c’est que lorsqu’on catalogue un enfant, lorsqu’on lui colle une étiquette, on le pousse à se conformer à cette image.
Des étiquettes qui influencent l’avenir
Je l’avais déjà évoqué au sujet de la timidité. Lorsqu’on répète sans arrêt à un enfant qu’il est timide, quelque soit le niveau de vérité à la base, quelque soit son tempérament, il a de fortes chances de le devenir de plus en plus. Pourtant le fait qu’un tout-petit mette du temps à entrer en lien, en connexion avec des personnes qui ne lui sont pas familières est naturel. Oui, certains enfants ont un tempérament plus sociable et se sentent plus vite à l’aise que d’autres. Oui, chaque enfant est différent, tout comme les adultes. Et pourtant coller une étiquette de timide à un enfant l’emprisonne dans cette image.
Alors, qu’en est-il d’un enfant que l’on qualifie de bête, de méchant, d’égoïste ?
“Non mais tu es bête ou quoi ?” Cette phrase je l’ai entendue des centaines de fois à la maison. Pas forcément pour moi, ça pouvait être pour un de mes frères. Mais elle est restée gravée dans ma mémoire, dans ma construction. Et aujourd’hui, bien malgré moi, il m’arrive de la dire à mes enfants. Quelle horreur ! Je déteste ça. Heureusement, je prends rapidement conscience de mes mots et je m’excuse tout de suite, je retire, je dis que je ne le pense pas, que je suis juste énervée, fatiguée, stressée. Je préférerais ne jamais la dire, j’y travaille.
Toutes ces petites phrases:
“C’est méchant ce que tu as fait.”
“Tu ne penses qu’à toi !”
“Tu ne m’écoutes jamais !!”
“Tu n’aides jamais !”
Tous ces jugements parlent de nous, de notre ressenti, de notre histoire, de nos émotions. Mais lorsqu’elles s’adressent à notre enfant, il les prend pour lui. Il les imprime en lui.
Mes étiquettes
Quand j’étais petite, on m’a dit que j’étais sage, que j’étais forte en maths et nulle en histoire. Je suis restée sage, trop sage, j’ai gardé mes frustrations, mes colères. Je suis devenue très bonne en maths et de plus en plus nulle en histoire.
Ben oui, forcément, vu que j’étais nulle ce n’était pas la peine que j’essaie de travailler. Je n’aurais jamais de bonnes notes en histoire, ce n’était pas mon fort, c’est tout. Il suffisait de l’accepter.
Il suffisait de se conformer à l’image qu’on m’avait donnée de moi.
Personne ne s’est jamais demandé d’où me venaient mes difficultés dans cette matière, si je pouvais faire mieux, si une solution existait pour que je progresse là dedans. Je n’étais pas une littéraire, j’étais une scientifique. Moi qui ai toujours rêvé d’être écrivain… Moi qui écrit aujourd’hui…
En plus, ce qu’il y a de génial avec les étiquettes, c’est qu’une fois qu’on t’en a collé une, elle devient de plus en plus visible.
Tout le monde se met d’accord pour te la répéter, tes comportements sont interprétés par le prisme de cette étiquette, elle te définit de plus en plus. Petit à petit, on ne voit plus que ça chez toi.
Une étiquette bien collée
Mais alors si on ne te connaît qu’à travers cette image, cette construction, qu’est-ce qui se passera si tu changes ? Si tu te redéfinis ? Si tu détaches cette étiquette ? Qui seras-tu ? Est-ce que les autres t’aimeront toujours ? Est-ce que tes parents t’aimeront toujours ?
Imagine un enfant à qui son parent dit “de toute façon tu ne penses qu’à toi.”
Il a mal, il peut être triste, en colère, vexé. Mais aura-t-il la force nécessaire pour se dire que non, ce n’est pas vrai. Puisque son parent lui dit, son parent ne peut pas se tromper, c’est donc la vérité. Quelle échappatoire ? Quelle porte de sortie ?
Dans ce genre de phrases, dites le plus souvent par un parent sous stress, la sentence paraît définitive. Il n’y a pas de possibilité de changer de comportement, de s’améliorer, de faire autrement.
Le deuxième effet pervers de ce genre de phrases est que le parent va enregistrer cette étiquette, cette image de son enfant. Il aura alors tendance à renforcer ce trait de caractère en le soulignant, en interprétant les comportements de l’enfant comme des preuves de cette vérité.
Casse-pieds ou déterminée ?
Ma fille a un caractère bien affirmé. Elle est capable de faire de merveilleuses choses quand elle est motivée mais si elle ne veut pas, elle ne fait pas. Elle affirme son pouvoir personnel chaque jour. Elle a de la volonté, elle ne se laisse pas faire et pour autant elle adore participer, aider, s’occuper des autres.
Pourtant au quotidien, c’est pas tous les jours facile…
Je dirais même que c’est un poil pénible.
Mais si je lui dis qu’elle est caractérielle, pénible, casse-pieds… Elle retiendra que son comportement est mauvais, que peut-être je ne l’aime pas assez. Elle sera triste, en colère. Et elle n’aura pas les ressources pour tirer le meilleur parti de ses traits de caractère. Ceux ci ne sont ni bons ni mauvais. Il suffit de lui apprendre à les utiliser au mieux.
On peut tout à fait être affirmé, assumer ses choix, ses convictions et s’intégrer sans problème au groupe. Elle a 4 ans. Pour le moment c’est parfois difficile, surtout à l’école. Il faut respecter les règles, faire ce que la maîtresse demande. Pour autant elle s’en sort très bien. Elle a des qualités de leader qui lui seront très utiles plus tard.
Chacun ses possibilités
Quelque soit son caractère, ses qualités et défauts, un enfant a besoin qu’on lui enseigne des ressources, comment utiliser ses propres compétences.
En tant que parent, on ne voit pas toujours le meilleur de notre enfant. On est fatigués, stressés par notre environnement, peu disponibles.
Lorsqu’on a un enfant curieux qui nous pose plein de questions sur tout, ça nous épuise, ça nous soûle.
Lorsque notre fils est plutôt moteur, qu’il escalade tout, fait des pirouettes en trottinette, on s’inquiète.
Si notre fille prend son temps pour se préparer, pour manger, pour marcher, pour tout… on peut la trouver lente, s’exaspérer, vouloir la faire accélérer.
Des talents cachés
Essayons de voir le potentiel de nos enfants.
Il pose plein de questions ? C’est super, il va apprendre plein de choses et développer une culture générale au top.
Il escalade tout ? Super, il est à l’aise avec son corps, il est dynamique.
Elle prend son temps ? Super, elle profite de chaque instant, du moment présent, elle savoure.
Et lorsqu’on a l’impression de voir un défaut, une faiblesse, allons plus loin. Est-ce vraiment négatif ou est-ce mon interprétation ? A-t-il besoin d’aide, d’encouragement pour renforcer ce domaine, cette compétence ?
Faisons attention aux paroles prononcées sous le coup de la colère, du stress. Si elles nous échappent, ne les laissons pas laisser des traces chez nos enfants. Les excuses n’effacent pas tout mais elles aident à réparer le lien.
Alors remplaçons toutes ces phrases par “je t’aime, j’ai confiance en toi et si tu veux, on peut réfléchir à une solution ensemble.”
Parce que notre boulot de parent n’est pas de les modeler à une image idéale mais de les accompagner pour qu’ils développent leurs compétences, leurs valeurs, leur personnalité.
Si vous avez un bébé oiseau, arrêtez d’essayer de lui apprendre à nager et aidez le à déployer ses ailes !
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2 Commentaires
Bonjour Julie,
Quelle belle surprise quand Laetitia m’a annoncé l’existence ton blog! En plus du plaisir de te lire, j’en parlerai aux patientes que je rencontre dans mes réunions. Concernant ton article, je te suis à 100%, évitons ses étiquettes qui sont si difficiles à décoller avec le temps… À très vite. Sandrine K
Merci Sandrine !
Ravie de lire ces lignes. Je suis touchée par tes mots. Je fais au mieux pour aider les parents à comprendre ce qui se passe pour leurs enfants mais aussi pour eux-mêmes.