Qu’est ce que ça veut dire écouter ?
T’es-t-il déjà arrivé de dire ou d’entendre “tu m’écoute pas” ou “j’ai l’impression de parler dans le vide”… ?
On a tous besoin de se sentir écouté. On a besoin de sentir que l’autre nous comprend. On a besoin de se sentir en lien.
Mais comment faire pour se mettre vraiment à l’écoute de l’autre et qu’il se sente accueilli ?
La première chose est de se mettre en position d’écoute. Non pas physiquement, à l’écoute dans notre cœur, sincèrement. Pour cela, la première chose à comprendre c’est qu’écouter ce n’est pas donner son avis, conseiller, faire la morale, analyser la situation… Comme nous l’avons vu précédemment les 12 réponses typiques sont des obstacles à l’écoute.
Donc finalement le plus simple c’est de ne pas trop en dire. Enfin en partie.
Je dirais qu’il y a plusieurs niveaux d’écoute, un peu comme des ceintures de judo.
Ceinture jaune: l’écoute silencieuse.
Voilà, la base de la base. Écouter en silence.
C’est bien, on ne risque pas de dire de boulettes.
Pour autant ce n’est pas facile de rester connecté et concentré sur ce que l’autre dit. Notre esprit peut se mettre à vagabonder dans des contrées lointaines et on perd le fil. Pour ma part, j’ai du mal à me sentir écoutée quand mon interlocuteur ne dit rien. Pour bien faire, notre esprit doit rester en lien avec le vécu de l’autre.
Écouter en silence est un art que tout le monde ne maîtrise pas. Ainsi la ceinture jaune pourrait se transformer en ceinture noire directe tant le silence peut signifier l’intimité absolue.
Revenons-en à des niveaux plus accessibles au commun des mortels et autres jeunes padawans.
Ceinture orange: le meumeum.
Je confirme, ce terme n’est pas homologué mais je trouve qu’il résume bien le concept.
Le meumeum consiste à écouter en ponctuant les phrases par toutes sortes de petits bruits ayant pour but de montrer à notre vis-à-vis qu’on ne perd pas une miette de son histoire.
Tous les “Hmmm”, “Ah”, “Ok”, “je vois”, “oui”, “ah oui” se déclinant sur tous les tons : “Ah !” “Ah ?”, “Ah.”, “Aaaaah”…
Ça laisse quand même un florilège de ponctuations attentives du récit de l’autre.
C’est un bon début certes mais pour autant ça ne garantit absolument pas une écoute attentive. Qui n’a jamais utilisé ses jokers faciles pour faire mine d’écouter une conversation tout en pensant complètement à autre chose ? Grand classique des conversations téléphoniques d’ailleurs.
Passons alors au cran supérieur.
Ceinture bleue : la reformulation
Là, on commence à rentrer dans le vif du sujet. Mais c’est quoi donc la reformulation ?
Il s’agit tout simplement de faire des petits résumés de ce que nous avons entendu. Traduire avec nos propres mots le récit de l’autre.
Quel intérêt ? Quand on reformule, on est forcément concentré sur ce que dit l’autre et l’autre le ressent. Ça permet de vérifier qu’on a bien compris et d’éclaircir certains points.
Plutôt que de poser des questions qui peuvent déstabiliser voire gêner celui qui se confie, la reformulation permet à la personne écoutée d’ajuster son discours, de préciser certains détails et d’avancer dans sa réflexion.
Parfois la simple reformulation permet de résoudre certains problèmes. Tu ne vois pas ? Mais si, par exemple quand tu racontes ce que tu vis à voix haute et que le simple fait de le dire te fait prendre conscience du problème réel et en même temps te montre la solution. Quand tu expliques à quel point telle personne a eu une réaction démesurée, déplacée et que, au fur et à mesure de ton exposé, tu te rends compte de ce qui a pu se passer pour l’autre et que, peut-être, tu es aussi responsable que lui.
Non, c’est toujours pas clair ?
Alors je te propose un test : la prochaine fois que tu te disputes avec ta moitié ou avec un collègue, imagine-toi en train d’expliquer la situation à quelqu’un. Raconte la scène comme si tu la voyais de l’extérieur. Il y a de grandes chances pour qu’en faisant ainsi le récit des événements tu prennes conscience de ce qui a pu se passer pour l’autre et donc que tu comprennes mieux ses réactions.
Quand on reformule, on montre à l’autre qu’on l’écoute et on l’aide à cheminer, à son rythme.
Et je vais t’avouer un secret : avec les enfants, c’est magique !
Quand Inès vient me voir en pleurant parce que son frère lui a pris sa balle, il suffit de répondre “Oh, il a pris ta balle.” Et, souvent, ça suffit ! L’enfant repart. Elle a été entendue, comprise, écoutée. Et c’est tout.
Parce que la plupart du temps, les enfants n’ont pas besoin qu’on intervienne. Ils ont besoin que quelqu’un valide leur vécu, leur ressenti.
Bon, il faut y mettre le bon ton quand même. Il faut être sincère dans la démarche.
La reformulation ce n’est pas répéter comme un perroquet, ressortir des phrases entendues sur un ton neutre et automatique. Ce n’est pas non plus se moquer ou ridiculiser.
C’est entrer dans le monde de l’autre, entrer dans son histoire sans à priori et sans jugement.
Et si on est suffisamment connectés, en lien, on passe au niveau jedi de l’écoute :
Ceinture noire : l’écoute empathique.
Alors là, on passe un cap.
L’écoute empathique c’est écouter au delà des mots. C’est entendre les non dits, les émotions et leurs intensités. C’est détecter les vibrations dans la voix, les tremblements, les regards fuyants, les rires nerveux, les yeux pleins de larmes…
Sentir ce qui se passe pour l’autre, l’accepter et mettre des mots dessus.
Ce niveau nécessite un pré requis de taille : l’intelligence émotionnelle. Oui, l’intelligence émotionnelle. C’est-à-dire, non seulement maîtriser le concept des émotions mais aussi, et surtout, connaître ses propres émotions.
Parce que pour accueillir les émotions de l’autre, il faut déjà réussir à les détecter, les comprendre. Et pour ça, il vaut mieux être à l’aise avec nos propres émotions.
Oui, forcément, si tu te sens triste quand on t’agresse, à priori tu es mal parti pour comprendre et accepter la colère des autres. Parce que face à une agression, l’émotion naturelle est la colère. Et ça c’est biologique. Donc si toi tu réagis différemment, si tu as remplacé une émotion par une autre, c’est que cette émotion n’est pas acceptable pour toi. Et ça, ça t’appartient. Ça vient de ton histoire, des stratégies que tu as mis en place enfant, inconsciemment, pour t’adapter à ton environnement. Donc pour toi, à ce moment là, ça avait du sens de réagir comme ça.
Mais si un ami te racontes que son patron lui a hurlé dessus et que toi, tu réponds “tu es triste”, il y a des chances pour que tu sois à côté de la plaque. Et si cet ami insiste et te dit que non il est en colère, il se peut que ce soit difficile pour toi de l’accueillir. “Pourquoi aurait-il le droit d’exprimer cette émotion qui m’est interdite ?”
Et si je vois bien que mon ami a les larmes aux yeux, que sa voix déraille, que je sens que son cœur est lourd, mais que la tristesse est trop difficile pour moi à accueillir, alors je ferais tout pour que cette émotion reparte aussi vite que possible, qu’elle soit ravalée, refoulée, tue. Mais surtout qu’elle ne sorte pas en ma présence. Je ne peux pas, ce serait trop douloureux.
Et que dire alors de ces émotions chez mes propres enfants ? Comment accueillir la tristesse de mon fils, la colère de ma fille ? Comment accepter leurs peurs ? Et comment même les laisser vivre leur joie totalement si la mienne a toujours été modérée par d’autres ?
L’écoute empathique, oui, mais sans excès !
Par contre, on va être clair, il ne s’agit pas non plus d’aller toujours à fond dans l’écoute, la reformulation, l’empathie, tout le temps, toute la journée, à chaque fois qu’on nous parle.
Déjà parce que sinon, vous avez pas fini d’avoir la terre entière qui vous livre ses joies et ses peines. Oui, il est assez rare de tomber sur quelqu’un qui nous écoute réellement donc quand on en trouve un, on le lâche pas !
Ensuite, parce que, parfois, ce que l’autre attend c’est simplement un échange, un conseil, un avis.
Si ton fils arrive et te dit qu’il n’arrive pas à faire son exposé, il est possible qu’il te demande vraiment de l’aide. Si ta femme te dit qu’elle est fatiguée, elle a peut-être juste envie d’aller se reposer et pas forcément qu’on lui explique le pourquoi du comment.
Et, attention, quand on se met en mode écoute, il vaut mieux s’assurer d’avoir du temps devant soi. Parce qu’on ne sait jamais vraiment où ça va nous mener. Se mettre à l’écoute de sa fille qui dit qu’elle ne veut pas aller à la piscine et se rendre compte que la dernière fois qu’elle y est allée, elle a appris à sa sortie le décès de sa grand-mère… Si tu n’avais que 5 minutes pour gérer la situation, tu vas pas être à l’aise.
Tu trouves ça un peu énorme ? Et pourtant… Derrière une réaction inhabituelle de notre enfant, il se cache souvent quelque chose à explorer. Et ce serait dommage de passer à côté.
Alors ce serait ça écouter ? Ça pourrait aller si loin écouter vraiment ?
Donc ce n’est pas simple.
La bonne nouvelle c’est que ça se travaille.
La bonne nouvelle c’est qu’on a tous le droit à l’erreur.
La bonne nouvelle c’est qu’il est toujours temps d’apprendre.
La bonne nouvelle c’est que je suis là pour vous écouter !
Alors, tu en es où toi ? Dis moi à quelle ceinture d’écoute tu en es ?