Dans son livre “parents efficaces”, Thomas Gordon nous liste les 12 obstacles à la communication. Et franchement, quand tu regardes ça, tu te rends compte que 1) tu les emploies tout le temps et 2) c’est insupportable quand on te le fait !
Mais c’est quoi ces obstacles ? Et puis obstacles à quoi ?
Quand tu racontes une de tes péripéties à quelqu’un, tu as envie qu’il t’écoute. Tu as envie de te sentir compris, accueilli… Les fameux obstacles, ce sont toutes les phrases qu’on te sort habituellement et qui font que tu ne te sens absolument pas écouté !
Ce sont aussi nos réponses les plus courantes à nos enfants. Celles qui nous viennent spontanément quand Paul vient nous dire que sa sœur lui a piqué son livre ou que Charlotte se plaint que Pedro lui a tiré les cheveux.
Alors, allons-y, faisons le tour de la question ensemble et voyons quels peuvent être les sentiments et pensées de nos enfants face à ses réponses.
1. Donner des ordres, diriger, commander
“Arrête de râler!”
“Passe à autre chose!”
Ça donne pas vraiment envie de se confier. L’enfant peut sentir que ses besoins ne sont pas importants, qu’il n’est pas accepté.
2. Avertir, mettre en garde, menacer
“Si tu fais ça, tu vas le regretter!”
Là, il peut carrément avoir peur. On lui présage les conséquences terribles de ses actes. Et alors soit il se soumet, soit il va avoir envie de vérifier si ce qu’on lui a annoncé va réellement se passer.
3. Moraliser, faire la leçon
“Tu ne devrais pas faire comme ci.”
“Il faut toujours faire comme ça.”
Moi, si tu me dis ça, ça va m’énerver ! Ça donne envie de résister encore plus et ça laisse penser que l’autre n’a pas confiance en notre jugement.
4. Conseiller, donner des solutions
“Pourquoi ne lui dis tu pas ça ?”
C’est tellement agréable quand tu parles d’un problème qui te touche et qu’on te donne un conseil direct comme si tu étais trop bête pour trouver tout seul, comme si c’était si simple.
Ces 4 premières réponses (donner des ordres, avertir, moraliser, conseiller) donnent des solutions toutes faites à l’enfant. Elles lui laissent penser que l’on sait mieux que lui et qu’il n’est pas capable de s’en sortir seul.
Est-ce mal de lui donner des conseils et de lui dire quoi faire ? Le problème est que ça ne le pousse pas à réfléchir de lui-même et donc à être autonome. D’une manière générale, les enfants, et les adultes aussi d’ailleurs, n’aiment pas qu’on leur dicte leur comportement et ont donc tendance à s’opposer à la solution proposée, qu’elle soit bonne ou mauvaise. C’est une façon d’affirmer sa personnalité et d’être maître de ses actions. Ce qui, en soit, est plutôt bon signe.
5. Argumenter, expliquer
“Ça se passe toujours comme ça quand il y a beaucoup de personnes.”
“Comment tu te sentirais à sa place?”
L’enfant va encore plus vouloir convaincre et affirmer sa position. Il veut être entendu alors il va réfuter tous les arguments contraires.
6. Juger, critique
“Tu n’es pas très ouvert d’esprit.”
“Tu as tort de réagir comme ça.”
On a tous tendance à émettre des jugements. Malheureusement ça laisse des traces chez l’enfant qui se les approprient et se crée une image négative de lui.
7. Ridiculiser, faire honte
“Tu es vraiment un pleurnichard !”
“C’est ridicule de réagir comme ça.”
Bon, là, clairement, l’enfant ne se sent pas bien… Il peut se sentir nul, mal aimé, méchant…
8. Psychanalyser, diagnostiquer
“Tu dis ça parce que tu es jaloux”
Il est fort probable que l’enfant coupe la conversation là dessus. Le parent se positionne en personne supérieure, plus intelligente.
Ces messages (argumenter, juger, ridiculiser, psychanalyser) sont dévalorisants. Les enfants se sentent mal, en colère ou honteux. Ils n’ont plus envie de se confier et se dévalorisent. Ils peuvent avoir envie de se défendre face à ses attaques, de contre-attaquer. “Ma mère n’a rien compris. Elle me trouve égoïste.”
Ces réponses nuisent à l’image que l’enfant a de lui mais aussi à la relation parent-enfant. “Mon père me trouve nul. Il ne m’aime pas comme je suis.”
9. Complimenter
“Tu as raison.”
“Je suis sûr que tu peux y arriver”
Et oui, un compliment reste un jugement. Et si l’enfant ne se sent pas légitime à ce moment là, s’il ne se sent pas capable, il peut se sentir encore plus seul et incompris. “Il me dit que j’ai raison mais s’il savait ce que j’ai fait…”
Il peut également devenir dépendant du regard des autres, avoir besoin de vérifier son impact sur l’autre, rechercher toujours les compliments.
10. Rassurer, consoler
“Ça va s’arranger.”
“Ça ira mieux demain.”
Ces messages disent à l’enfant qu’il doit arrêter de ressentir ce qu’il vit en ce moment et passer à autre chose.
11. Enquêter, interroger
“Pourquoi ? Comment ? Depuis quand ? Avec qui ?”
Poser une ou deux questions peut permettre de rentrer dans l’univers de l’autre et de mieux le comprendre. Quand ça vire à l’interrogatoire on n’est pas dans l’écoute de ce que vit l’autre. On n’est plus dans l’accueil. On répond à notre propre curiosité.
12. Distraire, faire de l’humour
“Et sinon tu veux faire quoi ce week-end?”
L’enfant peut penser que ses sentiments ne sont pas importants et se sentir rejeté. L’autre n’a juste pas envie d’écouter ce qu’il dit.
Ces 4 dernières réponses (complimenter, rassurer, enquêter, distraire) nous paraissent souvent appropriées. On voudrait balayer les sentiments négatifs de nos enfants, leur éviter certaines émotions. Tu es triste ? Allons jouer ensemble. Tu es en colère, parlons d’autre chose.
Et pourtant chaque émotion a un rôle et a besoin d’être exprimée et accueillie. Elle a besoin d’être déchargée, traversée pleinement pour ne pas laisser de traces. Si le parent passe trop vite à autre chose ou se montre trop rassurant, l’enfant n’a pas eu le temps de vivre son émotion, de la partager. Il peut se sentir incompris et penser que son parent ne s’intéresse pas vraiment à ce qu’il vit et donc qu’il ne l’accepte pas tel qu’il est.
Tu n’es pas convaincu ? Alors je te propose un petit test !
Mise en situation
Imagine que tu as passé une journée horrible au boulot. Ton patron t’a fait des remarques désagréables et que tu trouves injustes, en réunion, devant le reste de l’équipe. Tu as envie de tout envoyer promener et de quitter ton travail.
Tu rentres chez toi, tu racontes ta journée à ton cher(e) et tendre et il/elle te répond les phrases que l’on a vues.
“Arrête de râler!”
“Si tu fais ça, tu vas le regretter!”
“Tu ne devrais pas faire comme ça.”
“Pourquoi ne lui dis tu pas ça ?”
“Ça se passe toujours comme ça quand il y a beaucoup de personnes.”
“Tu n’es pas très ouvert d’esprit.”
“C’est ridicule de réagir comme ça.”
“Tu dis ça parce que tu es jaloux”
“Tu as raison.”
“Ça va s’arranger.”
“Pourquoi ? Comment ? Depuis quand ? Avec qui ?”
“Et sinon tu veux faire quoi ce week-end?”
Alors, tu te sens comment ? Entendu, accueilli, compris ? Non !?
Ça t’agace, ça t’irrite ? Tu as l’impression qu’il sait tout mieux que toi, qu’il se moque de toi, qu’il te prend de haut, qu’il s’en fiche de ce que tu lui racontes…
Et maintenant, on fait comment alors ?
Une autre façon d’écouter
Tout d’abord on se détend. Il ne s’agit pas non plus de dire qu’il ne faut jamais donner de conseils, expliquer, rassurer, faire de l’humour… Si on peut éviter de se moquer, de ridiculiser, de menacer et toute autre alternative blessante, c’est quand même mieux pour tout le monde. L’important c’est de mesurer que lorsqu’on utilise ces 12 types de réponses, on n’est pas dans l’écoute. On n’est pas dans l’accueil de ce que nous dit l’autre. S’il nous parlait de quelque chose d’important pour lui, il peut alors se sentir incompris et ne plus avoir envie de partager ses ressentis avec nous. S’il s’agit de notre enfant, c’est dommage.
Écouter quelqu’un, l’écouter vraiment, sincèrement, ce n’est pas si facile que ça. Ça nécessite d’être dans un état d’esprit ouvert, d’être prêt à accueillir l’autre dans ce qu’il vit, de le rejoindre dans son monde, d’entendre ses émotions.
Et pourtant c’est assez basique finalement, écoute, reformulation, empathie… Je t’en parle dans un autre article !
En attendant, as-tu identifié tes réponses habituelles ?
Perso je suis plutôt dans le “conseiller” et “rassurer”. Et toi, dis-moi en commentaire quels sont les tiennes ?