Quand nous ressentons une émotion, nous avons souvent tendance à en attribuer la responsabilité à notre environnement. C’est la situation qui nous rend triste. Cette personne nous a mis en colère. Pourtant, force est de constater qu’un même événement ne déclenche pas la même émotion chez tous. Cela voudrait-il dire que l’émotion ne dépend pas seulement du déclencheur ?
S’il est vrai que nos émotions sont des phénomènes biologiques spontanés, il n’en est pas moins vrai que notre histoire personnelle les influence. De la même manière, les réactions physiologiques de notre corps face à un événement varient avec nos expériences et nos pensées.
Nous ne pouvons diviser le corps et l’esprit. Notre corps influence nos pensées, au delà de ce qu’on imagine. Et nos pensées agissent sur notre corps.
Par ailleurs, chacun a sa part de responsabilité dans les interactions mais responsabilité ne signifie pas culpabilité.
Chacun son émotion
Il va de soi que nous ne nous mettons pas tous en colère pour les mêmes raisons. Nous ne sommes pas tous tristes face à un même événement. Nous n’avons pas les mêmes peurs, les mêmes sources de dégoût. Une situation peut provoquer la honte chez certains mais pas chez d’autres.
Qui est responsable ?
Si ce constat peut paraître évident, il est toutefois difficile d’assumer la réflexion jusqu’au bout. En effet, si un événement ne provoque pas la même émotion chez tous, cela indique bien que mon émotion est dépendante de moi. Si je pousse un peu plus loin, elle ne dépend pas de l’autre…
En clair, quand je suis furieuse contre mon conjoint parce qu’il n’a pas débarrassé le lave-vaisselle pendant que je couchais les enfants… ça parle de moi ! Aïe…
Quand j’ai peur pour ma fille qui épluche les carottes, ça parle encore de moi.
Si je suis en colère parce que mon enfant n’a pas fait ce que je lui demandais…. Bref, tu as compris le principe.
Une autre personne n’aurait peut-être pas la même émotion que moi dans ces situations.
Mon émotion n’en est pas moins légitime
Cela ne veut pas dire que mon émotion n’est pas valable. Elle peut être adaptée à la situation sans pour autant être universelle. Nos émotions dépendent de notre façon de percevoir, d’interpréter la situation.
Par exemple, le déclencheur de la peur est le danger ou l’inconnu. Ce qui signifie que pour tout le monde, le danger et l’inconnu provoque de la peur. Pour autant, un même événement sera interprété comme situation dangereuse pour l’un mais pas pour l’autre. De la même façon, l’intensité de l’émotion ne sera pas la même selon notre vécu, nos croyances, notre point de vue.
Nous avons tous notre propre histoire, des valeurs différentes auxquelles on apporte une importance différente, nos propres limites, nos préoccupations…
Nous avons donc chacun une vision personnelle du danger, de la justice.
Responsable de sa colère
Il est une émotion pour laquelle cette notion de responsabilité peut être particulièrement compliquée à accepter : la colère.
Si mon fils me tape, il est évident que je vais être en colère. Je considère qu’il est responsable de ma colère.
Si ma fille me crie dans les oreilles alors que je lui ai dit que j’avais mal à la tête, j’ai bien le droit d’être en colère ?
Oui, bien sûr que ma colère est légitime. Pour autant, j’en suis responsable. C’est moi qui ressens de la colère. Le comportement de l’autre n’est que le déclencheur de cette émotion.
Une autre personne aurait pu ne pas ressentir cette colère.
L’intérêt de cette prise de conscience est de pouvoir prendre du recul par rapport à la situation et de prendre la juste mesure de ce qui se joue. Il sera alors plus facile de réagir de façon adapté et de prendre soin de mon besoin. Il s’agit de sortir de cette vision de “c’est sa faute”. En effet, tant que la responsabilité est attribuée à l’autre, cela signifie que je suis victime, impuissant. Je n’ai pas de pouvoir sur la situation.
Serait-ce plus sain de ne pas ressentir cette colère ?
Qu’est-ce qui nous met en colère ? Si tu as lu mes articles sur les émotions tu le sais…
Sinon, c’est ici : Dis maman, c’est quoi une émotion , La colère, cette alliée méconnue
Nous ressentons de la colère quand quelqu’un dépasse nos limites, quand nous nous sentons agressé.
La colère nous permet de nous réparer, de restaurer notre intégrité, de protéger nos limites mais aussi de réparer la relation, de renforcer nos liens.
Alors, oui, il est légitime et sain de ressentir de la colère quand quelqu’un porte atteinte à notre intégrité physique ou psychique ou quand nous ressentons de la frustration.
Pour autant, cette colère parle de nous et de nos propres limites. Celles-ci ne sont pas universelles. Elles varient d’une personne à l’autre et peuvent également varier selon notre état de stress. Nos réactions peuvent alors être disproportionnées ou inappropriées et sortir alors du domaine de l’émotion de base. On parle alors de réaction émotionnelle parasite. Mais ceci est un autre sujet.
L’autre n’est que le déclencheur
Le comportement de l’autre n’est qu’un déclencheur. Ce n’est pas mon fils ou ma fille qui me met en colère. C’est moi qui ressens de la colère suite à son comportement.
La différence peut paraître infime mais adopter ce point de vue aide à mieux gérer ses réactions. Cela permet de prendre du recul et d’écouter notre colère pour ce qu’elle est. Nous pouvons alors l’utiliser comme il se doit. Car nos émotions sont là pour nous guider, pour donner direction à notre vie. Ma colère me sert à prendre conscience de mes besoins et de mes limites.
Ma colère n’est pas utile contre l’autre mais pour moi. Elle me sert à m’affirmer, à prendre ma place. Je peux donc l’exprimer dans le but de me réparer et de restaurer le lien.
Mes émotions à moi
Il en est de même pour toutes les émotions. Elles nous servent de guide, de boussole face aux événements de notre vie. La tristesse nous indique nos manques et ce à quoi nous tenons. La joie nous montre ce qui est bon pour nous. La peur nous protège des dangers et nous pousse à nous préparer.
Dans chaque situation, l’émotion que je ressens parle de moi. Elle est là pour moi.
Si je veux tirer profit de mes émotions, je ne peux pas continuer d’en attribuer la responsabilité aux autres. Oui, le comportement des autres peut provoquer chez nous des émotions. Il n’en reste pas moins que cette émotion dépend entièrement de nous, de qui on est, de ce qui est important pour nous.
Responsable n’est pas coupable
Dire que l’on est responsable de nos émotions, qu’elles dépendent de nous, ne signifie pas que nous en soyons coupable. Encore une fois, il est légitime d’être en colère quand quelqu’un atteint à notre intégrité physique ou morale, que nous nous sentons blessé. Il est naturel d’être triste lorsque nous perdons un objet ou une personne à qui l’on tient.
Les émotions sont des phénomènes physiologiques. Nous ne sommes pas en colère, triste, dégoûté, apeuré exprès. Nous ne décidons pas de ressentir ses émotions.
A l’inverse, il serait néfaste de les nier. Elles sont là pour une bonne raison.
Ce qui est intéressant n’est pas de chercher un coupable mais de voir de quoi parle mon émotion et comment en tirer profit.
Qu’est-ce que mon émotion dit de moi et de mon lien à l’autre ?
Comment puis-je utiliser ces informations pour prendre soin de moi et de ma relation à l’autre ?
Je deviens alors pleinement acteur de ce qui se passe pour moi et je choisis quelle sera ma réaction.
La réciproque est vraie mais…
Évidemment si l’autre n’est pas responsable de mon émotion, je ne le suis pas de la sienne. Il serait donc tentant de conclure que si mon comportement a engendré chez l’autre colère, tristesse ou peur, cela ne parle que de lui. Je peux donc me dire que je n’y suis pour rien, que je ne change rien…
Ce serait oublier un petit détail : je suis pleinement responsable de ce que je fais.
Prenons un exemple : mon action, mes paroles ont rendu mon ami triste.
Je ne suis pas responsable de son émotion. Elle parle de sa vision des choses et de son point de vue. Pour autant, je suis complètement responsable de ce que j’ai fait ou dit. Accepter et accueillir son émotion permet un premier pas pour restaurer le lien. Ensuite, quelque soit mon intention de départ, demander pardon pour ce que j’ai fait ou dit montre que j’assume la responsabilité de mes actes et que je prend en compte le ressenti de mon ami. Et oui, faire ses excuses est un art à maîtriser. Je t’en parle ici.
Cette distinction permet aussi de prendre moins personnellement les émotions de l’autre. J’illustrerai ceci avec les enfants… Imaginons que tu emmènes tes enfants au restaurant chacun leur tour pour un moment privilégié. La semaine où tu emmènes ta fille, ton fils est triste. Cela peut te sembler injuste parce que tu fais de ton mieux pour être équitable. Si tu prends un peu de distance par rapport à l’émotion de ton fils, tu peux te dire qu’elle parle de lui et non de toi. Il est triste à cet instant là de ne pas aller au restaurant avec toi. Ton action sur le moment est le déclencheur de son émotion mais tu n’en es pas responsable.
Personnellement, voir les choses ainsi m’aide à accueillir les émotions de mes enfants. Mon fils peut être en colère suite à quelque chose que j’ai dit ou fait, je ne le prend pas contre moi. Je suis alors pleinement dans l’accueil de ce qu’il ressent.
Les enfants et les émotions
Je précise à ce sujet que nos enfants apprennent à gérer leurs émotions au fur et à mesure. Leur cerveau est en plein développement et ils n’ont pas les capacités pour maîtriser leurs émotions seuls.
Dès la naissance, les émotions sont présentes et intenses. Par contre, les structures cérébrales liées à leur compréhension et leur régulation ne sont pas matures.
Le cortex orbito-frontal, impliqué dans les mécanismes de régulation et de raisonnement, mature jusqu’à l’âge de 25 ans environ. (28 ans selon certains auteurs) Nous ne pouvons donc pas attendre d’un enfant qu’il comprenne son émotion seul. Pour cela, il a besoin de notre aide et de notre bienveillance. Plus on accueillera son émotion, plus on lui montrera notre empathie et plus il développera son intelligence émotionnelle.
De la même façon, quand nous nous montrons à l’écoute de nos propres émotions, que nous verbalisons ce qui se passe pour nous, notre enfant apprend. Il modélise sur nos réactions. Oui, c’est une sacré pression !
La bonne nouvelle est que nos enfants apprennent aussi de nos erreurs !
Lorsque nous ne réagissons pas comme nous le voulions, que nos émotions nous dépassent, nous pouvons toujours revenir sur la situation à posteriori. Assumer nos erreurs est un magnifique exemple à montrer à nos enfants. Nous ne sommes pas parfaits.
Le corps et l’esprit
Nos émotions nous appartiennent. Elles parlent de nous, dépendent de nous et de notre histoire. Si nous en acceptons la responsabilité, nous pourrons plus facilement en tirer les apprentissages. Sans tomber dans la culpabilité, nous pouvons reprendre le pouvoir sur la situation, écouter le message de nos émotions et en tirer profit.
Par ailleurs, nos émotions sont influencées par notre histoire mais aussi par nos pensées, notre vision de la vie et par notre corps.
Une vision plus positive de la vie
Notre façon de voir la vie en générale, de façon confiante ou anxieuse, joue sur les émotions que nous allons ressentir. C’est un élément sur lequel nous avons du pouvoir. Si la plupart des gens se considèrent comme plutôt optimistes ou pessimistes, ce ne sont que des étiquettes qu’il nous appartient de modifier.
Nous pouvons changer notre regard sur les événements en prenant l’habitude de mettre en relief les aspects positifs. C’est d’ailleurs un outil aussi simple qu’efficace dans notre rapport à nos enfants. Quand nous avons l’impression que tout va mal, se concentrer sur ce qui va bien, ce qui est positif, nous aide à reprendre de l’énergie et de la confiance. Il ne s’agit pas de nier ce qui ne va pas. Il s’agit de s’appuyer sur le positif pour se donner de la force et sublimer le négatif.
De la même façon, nous pouvons instaurer un rituel de gratitude. Tous les jours, chacun énonce un moment de sa journée pour lequel il éprouve de la gratitude, envers lui, envers les autres ou envers le monde.
Un corps sain…
Notre corps aussi influence notre état émotionnel. Les émotions prennent vie et s’expriment dans notre corps. Notre posture, notre état de santé, notre alimentation ont un impact sur ce que nous ressentons.
Nous avons donc plus de pouvoir qu’il n’y paraît sur nos émotions. Prendre soin de nous, de nos pensées, de notre corps constituera un terreau propice à une vie plus sereine.
Écouter nos émotions, les assumer nous permettra d’agir au mieux pour nous-mêmes et pour notre relation aux autres.
Alors, à toi de jouer : assume et prends le pouvoir !
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