Cela fait maintenant plusieurs années que je me forme en parentalité positive, en gestion du stress, en accompagnement des émotions, bref dans tout ce qui concerne les relations humaines que ce soit entre adultes ou en famille.
J’ai appris, mis en place, je me suis entraînée et j’ai acquis certains automatismes, notamment dans l’accueil des émotions. J’accompagne, je forme, j’anime des ateliers pour apprendre aux adultes à accueillir les émotions des enfants.
Plus ça va, plus je me rends compte à quel point la plupart des personnes ne savent absolument pas accueillir les émotions.
J’en ai marre !
Et je t’avoue que ça m’énerve au plus haut point quand ce sont MES émotions qui ne sont pas accueillies. Ça m’énerve d’autant plus que je sais ce dont j’aurais besoin et que, franchement, c’est beaucoup plus simple que ce qu’il parait.
Plus j’apprends à accueillir les émotions des autres et moins je supporte que les miennes soient niées, balayées d’une simple phrase ou diminuées.
Pourquoi cela me met tellement en rogne ? Tout simplement parce qu’en travaillant sur les émotions, je prends aussi conscience des miennes, de leur importance et de leur légitimité.
C’est le cas notamment de la colère. Bon sang mais j’ai le droit d’être en colère alors arrêtez de relativiser, de me donner des solutions toutes faites ou de me dire de me calmer!! Juste écoutez et accueillez !
La colère est une émotion saine. J’affirme mes limites, mes valeurs. Je me défends face à une agression physique ou morale.
La colère est une énergie qui a besoin de sortir, de s’exprimer afin de se rétablir soi et de restaurer le lien à l’autre. Pas de panique, elle ne dure que quelques minutes.
La vérité sur les émotions
Une émotion n’a pas vocation à rester, bien au contraire. Une émotion est un message. Une fois que tu as entendu le message, elle disparaît. Par contre, si tu te bouches les oreilles, l’ignore ou la rejette, elle va faire plus de bruit, elle va insister.
Prenons un exemple, si je fais quelque chose qui te heurte, qui ne respecte pas tes limites, tes besoins ou tes valeurs, tu ressens de la colère. C’est naturel. C’est physiologique. Cela ne met pas en péril notre relation.
Si tu me dis que ce que je fais t’a dérangé, t’as gêné, je peux l’entendre. Ok, ce comportement de ma part te procure un malaise. J’entend, j’accueille, je valide ton émotion. Nous pouvons ensuite voir ensemble comment éviter que cette situation se reproduise et avancer vers une relation calme, apaisée, respectueuse de chacun.
Si, au contraire, je te réponds
“ça va, ce n’est rien…”
“Calme toi, je ne l’ai pas fait exprès.”
“Tu en fais trop.”
Que va-t-il se passer ? Comment vas-tu te sentir ? Qu’est ce que tu vas penser au sujet de moi, de toi, de notre relation ? Qu’est-ce que tu auras envie de faire ?
La colère a son rôle à jouer
Quand la colère est rejetée ou niée par soi-même ou par l’autre, elle prend une toute autre couleur. Elle devient amertume, rage, repli sur soi, rancœur, violence… Ce rejet du message de la colère mène à une distance dans la relation, une petite fissure, un accroc.
Là où l’accueil de la colère rétablit chaque personne et nourrit la relation, son rejet crée des douleurs, des blessures.
Certains pensent qu’accueillir la colère de l’autre peut être difficile. Plusieurs raisons expliquent cet à priori : la méconnaissance de la colère, son propre passé par rapport aux émotions et la peur de “perdre la partie”, de “céder”.
Accueillir n’est pas faiblir
Accueillir l’émotion de l’autre ne signifie pas que l’on est d’accord avec tout, que nous allons changer d’avis, que nous allons céder à tout…
Si je refuse quelque chose à ma fille, elle peut se mettre en colère, être triste. Accueillir son émotion ne veut pas dire que j’ai eu tort de lui dire non ou que je vais changer d’avis.
De la même façon, si mon comportement dérange mon conjoint, mon ami, mon voisin, je peux accueillir son émotion. Cela ne signifie pas que je remet en cause ce que j’ai fait. Je peux choisir de modifier ou non mon comportement.
Accueillir l’émotion de l’autre signifie que l’on prend conscience de son émotion, qu’on y accorde de la valeur, qu’on y prête attention.
« Oui, tu voulais ce jouet et j’ai refusé, tu ressens de la colère. Tu as le droit. »
L’émotion de l’autre lui appartient. Elle n’est pas là contre moi, pour me blesser ou me détruire. L’accueillir ne m’enlève rien.
Arrêtons d’avoir peur
Et puis, tiens, si je cessais d’avoir peur de perdre ou de céder ?
Qu’est-ce que je perds à écouter l’autre, à être en lien ?
Qu’est-ce qui me fait peur là dedans ?
En quoi je me sens menacé ?
Parce que, oui, il faut bien se l’avouer, lorsqu’on ne tolère pas l’émotion de l’autre c’est parfois parce qu’on se sent menacé par elle. Comme si cette colère pouvait me faire du mal ou me diminuer. Comme si la colère était une forme de prise de pouvoir sur moi. Comme si elle représentait un danger pour mon intégrité physique ou psychique. Mais qui ressent cela ? Quelle partie de moi se sent menacée ? D’où me vient cette insécurité ?
Je te parle ici de colère mais il en va de même avec les autres émotions : tristesse, dégoût, honte, peur et même l’amour et la joie !
Les obstacles à l’accueil
Parfois on ne tolère pas l’émotion de l’autre parce qu’on ne la comprend pas. Peut-être parce qu’on ne reconnaît pas nos propres émotions. Peut-être parce qu’on ne pensait pas que notre action, nos paroles pouvaient blesser l’autre. Peut-être parce qu’on ne voulait pas rendre l’autre triste ou lui faire peur.
Peut-être aussi parce qu’elle nous renvoie à une forme de culpabilité.
Mon ami est triste suite à ce que j’ai fait. Je suis donc responsable, je suis donc coupable ? Ce serait s’accorder un pouvoir que nous n’avons pas, celui de contrôler les émotions de l’autre. Je suis responsable de ce que je fais, ce que je dis. Les émotions et pensées de l’autre dépendent de lui, de sa façon de voir le monde, de son interprétation, de son vécu. Nous avons chacun notre part de responsabilité.
Mais tout ceci n’est pas forcément facile à accepter. Ces émotions, chez nous, chez les autres et surtout chez nos enfants, nous aimerions juste les faire disparaître. Colère, tristesse, honte, peur… Nous les voyons négativement. Nous n’aimons pas les ressentir et les rejetons au point parfois de les nier. Pourtant, ces émotions sont là pour nous. Elles nous guident, nous dirigent vers ce qui est bon pour nous et nous protègent de ce qui ne l’est pas.
Les émotions ont une fonction
La colère nous aide à définir nos limites, nos valeurs et à préserver notre intégrité.
La peur nous protège du danger et nous pousse à nous préparer à l’inconnu.
La tristesse nous fait prendre conscience de ce qui compte pour nous et nous accompagne dans la séparation.
La honte nous permet de vivre en société.
Le dégoût nous pousse à nous soulever face à l’injustice et à rejeter ce qui est mauvais pour nous.
Faisons la paix avec nos émotions. Faisons la paix avec les émotions de l’autre.
Cela nous permettra d’être en lien avec nous-mêmes et avec les autres.
S’écouter soi, écouter l’autre, écouter l’enfant en soi… Un chemin de tous les jours. Parfois périlleux, parfois douloureux mais toujours enrichissant.
Simplement écouter
Tu vois, accueillir une émotion finalement c’est assez simple : il suffit d’écouter. Juste écouter, sans interpréter, sans chercher de solution, sans chercher à rassurer, consoler, calmer, relativiser… Juste écouter et se taire.
Si tu veux vraiment parler, reformule ce que l’autre te dit. Montre-lui que tu as compris ce qu’il vit et que tu l’entends dans son vécu actuel, dans sa façon de voir les choses.
Imagine ce que ça serait si nos émotions étaient écoutées, comprises, accueillies.
Prenons ce temps, celui de l’accueil. Bien avant les recherches de solutions, bien avant de relativiser, bien avant de se changer les idées.
Prenons le temps d’être en lien.