Ah la la… Cette fichue tétine ! Elle fait beaucoup parler.
Chacun son histoire de tétine
Entre ceux qui soutiennent mordicus que non leur futur enfant n’aura jamais, Ô grand jamais, de tétine et qui craquent au bout de 2 jours de pleurs à courir à la pharmacie de garde à 2h du matin pour dénicher le précieux accessoire.
Ceux qui ont déjà acheté un stock de 24 tétines, de toutes les formes et de toutes les couleurs, au bout de 3 mois de grossesse.
Et puis, il y a ceux dont l’enfant refuse la tétine et qui cherchent à tout prix à l’habituer à la prendre.
Ceux qui avaient réussi à s’en passer jusqu’à l’admission à la crèche où tous les autres bambins sont déjà suréquipés et qui se retrouvent à adopter le dit accessoire à contre cœur.
Ceux dont l’enfant a encore la tétine à 5 ans, 6 ans, 7 ans.
Ceux dont les 4 enfants n’en ont pas, n’en ont jamais eu, n’en auront jamais et qui regardent les autres parents de haut, avec un mélange de dédain et de dégoût dans le regard.
Ceux qui culpabilisent de donner la tétine mais qui ne s’en sortent pas sans…
Bref, un sacré bazar cette histoire !
Petit point science
Quelles sont les risques physiques de la tétine ?
On a tous entendu dire que ceux qui ont une tétine petits auront des dents en vrac. Heureusement, des grands savants ont inventé la sucette physiologique ou orthodontique… vaste blague ! Il n’y a rien de physiologique là dedans…
Les chiffres varient mais on peut considérer qu’un tiers des enfants utilisateurs de tétines auront une dentition déformée. Et alors si vous ajoutez à ça un super attache-tétine avec son prénom en bois qui pèse une tonne sur sa mâchoire, c’est le combo gagnant !
Outre cette partie bien visible et disgracieuse, la succion particulière de la tétine peut provoquer des déséquilibres au niveau craniofacial. Tout ceci dépendant évidemment de la fréquence de la succion et de la durée.
Les études rapportent également une augmentation des rhinites, otites, troubles du sommeil… Chouette !
Donc oui, la tétine a des conséquences sur le développement physique de l’enfant, OK.
La tétine comme réponse au besoin de succion
Le bébé a un réel besoin de succion. Oui, mais…
Si l’enfant est allaité au sein, il est préférable qu’il ne prenne pas la sucette car la succion n’est pas la même. La position de sa langue et de sa bouche ne sont pas les mêmes. Particulièrement à la mise en place de l’allaitement, lorsque le nourrisson prend la tétine, il peut perdre le réflexe de succion physiologique au sein. Cela peut induire une tétée mois efficace, une baisse de la production de lait et des crevasses chez la mère, aie!
La succion chez le tout petit lui sert à se nourrir mais aussi à créer le lien d’attachement. Donc oui il a besoin de téter… mais pas seulement. Si on le met tout seul avec sa tétine dans son berceau, loin de tous, ça ne va pas l’aider. L’enfant a avant tout besoin de contact, de présence, de regards, d’échanges.
Et quand bébé pleure ?
La tétine comme solution face aux pleurs
Lorsque l’enfant appelle, par des mimiques, puis des petits cris, puis des pleurs. Il exprime un besoin. Parfois ce besoin est juste d’être avec son parent, d’être en lien, d’être porté. Parfois ce besoin peut nous dérouter car on l’associe à un caprice. Pourtant pour le tout petit, ce besoin est un des plus fondamentaux. S’attacher, être en lien, lui permet de s’attacher à la vie, de se sécuriser, d’installer les bases de sa confiance. Rien que ça !
Priscilla Dunstan a étudié les pleurs des bébés, de milliers de bébés, et en a ressorti une classification extraordinaire. Une sorte de dictionnaire des bébés ! Qui n’a jamais rêvé de comprendre son nouveau-né ? De savoir tout de suite ce dont il avait besoin au lieu de galérer pendant des heures et de procéder par élimination. C’est maintenant possible !
Pour cela 2 options : lire le livre “Il pleure, que dit-il ?” ou assister à un atelier parent sur le décryptage des pleurs de bébés avec illustrations, démonstrations et blind-test !
Dis donc si j’avais eu ça à la naissance de mes enfants, j’aurais sûrement moins de cheveux blancs!!! J’hésite presque à faire un 4ème pour pouvoir mettre en pratique !
La tétine et l’apprentissage
Autre petit point sur la tétine : l’enfant se construit, apprend en imitant, en reproduisant ce qu’il voit.
Quand nous lui sourions, il sourit. Ces interactions nourrissent le lien, l’attachement.
Mais sourire avec une tétine c’est limité… Tu souris des yeux quoi… Mouais, pas franchement efficace ! Dommage.
Et que retient l’enfant ? Qu’est-ce qu’il apprend ? Que pour se calmer, lorsqu’il traverse une émotion, il a besoin de téter, d’avoir quelque chose dans la bouche… Comment cela se traduira plus tard ?
Et pourtant…
La face cachée de la tétine
Des études ont quand même souligné un point intéressant avec la tétine, c’est qu’elle permettrait de réduire le risque de mort subite du nourrisson. Ah ouais quand même!!!
Point non négligeable !
Plusieurs mécanismes entrent en jeu là dedans : lorsque la tétine commence à tomber de sa bouche, le bébé a le réflexe de se remettre à téter pour la récupérer l’empêchant d’être en sommeil profond (le nouveau-né n’a pas les mêmes cycles de sommeil que l’adulte). Elle permettrait aussi un passage d’air qui limiterait le risque d’asphyxie si l’enfant se tourne sur le ventre.
Aux états unis, la tétine fait donc partie des recommandations de prévention de la mort subite.
Après, est-ce que le modèle américain est le meilleur à suivre ? Pas toujours.
Là, vous vous dites, zut de flûte, nous voilà bien avancés avec toutes ces histoires!
La vie réelle
Alors dans la vraie vie, comment on fait ?
Déjà, on fait comme on peut !
Parce que, oui, il faut écouter les besoins de son enfant, répondre à ses appels, écouter ses émotions… Mais quand on n’a pas dormi depuis 3 mois, que l’on a les yeux qui se croisent et le patientomètre (oui, parfaitement, ce mot existe…) à zéro, on fait ce qu’on peut.
Et il vaut mieux donner une tétine à son bébé que de le secouer ou de lui crier dessus…
Alors, on se détend de la sucette et on accepte nos limites.
Un usage encadré
On peut se dire que certaines mesures de précaution permettent de limiter le risque.
- En cas d’allaitement maternel, ne pas donner de tétine le premier mois au moins. Sachant que chaque enfant est différent, certains s’en sortiront très bien à jongler entre tétine et sein et d’autres feront la confusion même à un âge avancé.
- En apprenant à décrypter les mimiques et petits cris du tout-petit, merci Priscilla Dunstan, on diminue de beaucoup le nombre de pleurs. Oui, parce qu’on répond à son besoin avant qu’il n’ait besoin de pleurer, avant qu’il ne ressente de la détresse. Donc moins de pleurs, pas besoin de « silencieux » !
- Ne pas dégainer la tétine à tout bout de champs. On a vu que la tétine pouvait présenter un intérêt… pendant les phases de sommeil, pas sur les moments d’éveils ! Et ça, je pense, c’est l’essentiel ! Si dès que bébé pleure, hop, on lui met un bout de caoutchouc dans la bouche, on perd une partie de son apprentissage.
- Quand il pleure, quelque soit son âge, on prend le temps de l’écouter et de l’accompagner. Oui, on écoute aussi bien le bébé de 3 mois que l’enfant de 4 ans… et l’adulte de 40 qui rentre grognon du travail… Par ces gestes, par ces mimiques, il nous dit quelque chose de son ressenti et de ses émotions. Et plus tôt on met les mots sur ce qu’il vit, plus vite il comprendra lui-même, il se comprendra et son cerveau maturera d’autant mieux. Encore mieux, on lui fournit les ressources nécessaires pour traverser ses émotions. Tu ne les as pas ces ressources ? Alors apprenez-les ensemble, testez, renseignes-toi, expérimentez, ratez et grandissez ensemble.
- Regardons aussi les moments où l’enfant pourrait se passer de la sucette. Lorsqu’il joue, est-ce qu’il a besoin de sa tétine ? Lorsqu’il dort et que sa tétine tombe, faut-il vraiment lui remettre ? Lorsqu’il est en colère, sa tétine va -t-elle l’aider à s’apaiser ? Lorsqu’il est triste, sa sucette lui permet-elle d’aller mieux ?
Alors, dans la journée, la tétine n’a rien à faire à portée de sa main. Il la voit, il en a envie, il la prend. C’est assez basique… Il ne la voit pas, il y pense moins et vit sa vie.
Si on lui donne l’habitude de poser et de laisser sa tétine dans son lit, il pourra l’associer au dodo et la réclamera moins. Si on dégaine la tétine à longueur de journée, elle fait partie intégrante de sa vie, de son quotidien, et il devient beaucoup plus difficile de l’en défaire. Sachant qu’il y a plus de risques d’effets délétères si l’enfant a sa tétine non-stop.
Un apprentissage pour toute la famille
Et nous aussi on apprend à s’en passer !
Parce que les parents aussi y tiennent à cette petite chose. C’est quand même pratique cet espèce de bouton stop, ce silencieux pour bambins. C’est reposant. Il m’arrive parfois de regretter que ma fille de 4 ans n’ait plus de tétine… Oui, je sais, c’est moche, mais c’est usant d’entendre chouiner plusieurs fois par jour. C’est fatigant, c’est bruyant un enfant qui exprime ses émotions… Le chemin de l’apprentissage émotionnel est éprouvant pour tout le monde ! C’est pourtant essentiel pour les enfants de pouvoir vivre leurs émotions, les exprimer et être accueillis dans ce vécu.
Et puis, si tétine il y a, il faut savoir un jour s’en séparer, avant le collège tant qu’à faire. Au rythme de l’enfant et au fur à mesure de ses apprentissages émotionnels, sans violence, sans forcer mais sans trop tarder non plus.
A titre indicatif, l’Académie américaine de pédiatrie recommande l’usage de la tétine de 6 semaines jusqu’à 1 an. On a dit 1 an, pas 3, 4 ou 5 ans…
J’avoue tout
Pour ma part, tous mes enfants ont eu la tétine. Et oui, j’ai même pas honte ! J’ai fait ce que j’ai pu. En même temps, mettre un enfant à la crèche ou en nounou sans tétine c’est le parcours du combattant ! Et j’ai pas combattu ! Ils ont lâché la tétine plus ou moins facilement au moment de l’entrée à l’école, donc vers 3 ans. La dernière a 2 ans et est encore très attachée à sa tétine.
J’avoue qu’avec toutes les connaissances que j’ai à ce sujet, ça m’embête. Je fais ce que je peux. En même temps, c’est nous qui lui avons donné cette tétine donc je ne vais pas lui arracher de force. J’essaie de restreindre l’usage de la tétine au coucher et aux gros chagrins. C’est loin d’être évident. Dès qu’elle voit une de ses sucettes, parce qu’en plus elle en a plusieurs, elle la veut. Alors j’essaie de lui changer les idées, de la faire passer à autre chose. Je lui montre que lorsqu’elle a sa tétine, je ne comprends pas ce qu’elle dit, je ne vois pas ses sourires. Je mets des mots sur ses maux et lui propose ma présence, mes câlins, mon amour pour traverser tristesse et colère.
Et petit à petit, on s’en détache.
Alors oui la tétine, c’est pas génial génial pour nos loulous. Limiter son usage est sûrement nécessaire pour limiter ses effets négatifs. Moi je fais ce que je peux.
Et toi, dis moi, tétine ou pas tétine ?