Parfois je me promène sur les réseaux sociaux et je regarde des groupes de discussions autour de la parentalité bienveillante.
Un conseil soi-disant bienveillant
L’autre jour, je suis tombée sur un conseil qui m’a fait mal au cœur. Une maman demande des avis sur son bébé qui rampe partout et qui est attiré par les prises électriques. C’est alors que, à mon grand désarroi, sur un groupe qui prône la bienveillance, un des conseils donnés est de le punir ! Non, mais une petite punition de rien du tout… Juste le mettre au coin pendant 1 minute. Et si ce sournois récidive, on augmente gentiment la sentence en passant à 3 minutes puis 5…
Alors, ok, je comprends qu’on se sente déstabilisé et à bout de ressources face à un enfant, quelque soit son âge, à qui on a répété la consigne à de multiples reprises, exprimée de façon positive, à qui on a proposé des alternatives… et qui malgré tout continue d’aller dans la direction interdite.
C’est vrai ça, un bébé qui ne respecte pas les règles c’est pénible quand même !
Et pourtant, la punition est-elle une alternative éducative ?
Dans la peau d’un tout-petit puni
Si on se mettait un peu à la place de cet enfant ? Allez, pour quelques minutes, enfilons ce bon vieux pyjama en pilou-pilou et voyons avec les yeux, et le cerveau, d’un tout-petit.
Premièrement, on se rappelle qu’avant 5 ans le cortex préfrontal est immature. Pour les deux du fond qui n’ont pas suivi, je rappelle que le cortex préfrontal est la partie du cerveau qui nous permet d’avoir un raisonnement, de prendre du recul et donc de gérer nos pulsions et nos émotions. Cette zone commence sa maturation vers l’âge de 5 ans et sera pleinement opérationnelle vers l’âge de 25 ans. Maturation d’autant plus efficace que l’enfant est encouragé, accueilli dans ses émotions et entouré de bienveillance.
Être maître de ses pulsions
Pour en revenir à notre petit bout de chou délinquant, si tant est qu’il avait compris la consigne et qu’il l’avait retenue, ce qui montre déjà des capacités hors du commun de little Einstein, son envie d’explorer est plus forte que sa raison.
C’est comme si sa main touchait la prise avant même qu’il ait eu le temps de se dire que ce n’était pas une bonne idée.
En même temps, qui n’a jamais écouté une pulsion de façon inconsidérée ? Acheter la robe qui nous plaît trop alors que notre compte en banque fait triste mine, craquer pour un éclair au chocolat au beau milieu d’un régime, refaire une dernière dernière course sur Mariokart alors qu’on est déjà en retard, regarder un énième épisode de notre série préférée alors qu’il est minuit passé…
Et pourtant nous, adultes, on est censé avoir un cortex préfrontal qui fonctionne….
Passons donc sur cette première étape et partons sur l’hypothèse que ce bébé est vraiment vraiment en avance, un petit génie en couche culotte, un brin vicieux, qui avait compris la consigne, qui s’en souvenait et qui a choisi délibérément de ne pas l’écouter.
Que se passe-t-il quand on met l’enfant au coin ?
Glisse-toi donc encore quelques minutes dans ce petit pyjama et imagine ce que tu ressens… Mis à l’écart, exclu du groupe à cause de ton comportement… Humilié, honteux…
Que penses-tu de toi ?
Que ressens-tu ?
Que penses-tu de la personne qui te punit ?
Qu’as-tu envie de faire ?
La honte, l’humiliation ne permettent absolument pas l’apprentissage. Elles ne laissent que rancœur, mauvaise image de soi, colère, sentiment d’impuissance, d’injustice…
Pour le petit, et même pour le plus grand, la mise à l’écart ne permettra pas de changer son comportement. Les sentiments négatifs liés à cette expérience empêchent d’accéder au raisonnement, à la prise de conscience.
Le comble de l’histoire c’est que cet enfant puni, mis au coin, ne fera même pas le lien entre son comportement et son exclusion. Tout ce qu’il aura compris, tout ce qu’il verra, c’est qu’on le laisse seul, qu’on ne répond pas à ses appels, à ses tentatives de contact.
Des réactions inattendues
Parfois même l’enfant va sourire, voire rire. Arrogance ? Défiance ?
Non, juste une tentative désespérée de renouer le contact.
Il ne sait plus quoi faire, comment réagir.
L’enfant puni se met parfois à sourire car c’est habituellement une attitude qui déclenche une réponse positive du parent.
Échec, il est rejeté par la personne qui est censée l’aimer d’un amour inconditionnel. Il est abandonné par celle qui d’habitude le rassure. Il est en stress, en détresse. Il est impuissant face à cette situation.
Des conséquences sur le long terme
Alors comment survivre à ça ? Parce que, oui, il s’agit de survie psychique pour le tout petit dont le lien d’attachement est si fondamental.
Pour s’en sortir sans abîmer le lien qui le lie avec son parent, l’enfant va mettre en place des croyances sur lui, sur le monde :
“Je suis méchant”
“Je ne mérite pas”
“Le monde est cruel”
Même une mise à l’écart courte engendre un sentiment de détresse. Il n’y a qu’à observer la réaction de l’enfant pour s’en rendre compte.
Et chez un enfant plus grand ? Pas mieux !
On a tous besoin de se sentir en lien, d’appartenir au groupe. Toute mise à l’écart crée du stress, même chez l’adulte. Elle engendre honte, colère, tristesse, dégoût… Rien de très pédagogique. Cela ne nous fait ni grandir, ni progresser, ni apprendre.
Oui c’est fatigant de toujours répéter, usant, désespérant, énervant… pourtant la punition n’est pas plus efficace et pas sans conséquence. Elle nous donne juste une impression de contrôle, de reprise de pouvoir. Elle nous permet de palier, en apparence, à notre impuissance dans ce type de situation où tout nous échappe. Ce n’est qu’illusion.
Gardons à l’esprit notre but, ce que nous voulons pour notre enfant: son bien-être, son bonheur, sa sécurité intérieure.
Accompagnons-les avec bienveillance, empathie, écoute. Soyons leur exemple dans les apprentissages. Acceptons leurs erreurs comme les nôtres et grandissons ensemble.
Ce chemin est chaotique, déstabilisant, parsemé de défis et en même temps tellement riche d’enseignements et d’amour.
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