Faut il dire toute la vérité à nos enfants ? Aussi triste et difficile soit-elle ?
La question choc
Hier, mon fils de 6 ans m’a demandé: “Maman, il faudra qu’on aille où si papa et toi vous êtes morts ?”
Comme ça, pouf, en début de repas. Sans contexte, sans prévenir, la question choc qui sort de nulle part.
Il avait les larmes aux yeux en me demandant ça. Il avait vraiment peur. C’est l’aîné et il se sentait responsable de ses jeunes sœurs.
“Qu’est-ce que je fais si là maintenant tout de suite mes parents meurent ?
Je vais où ?
J’appelle qui ?”
Sa réflexion était allée loin. Il avait déjà envisagé que si je mourrais, moi, à la maison, il pouvait appeler sa marraine avec mon téléphone dont il connaît le code. Mais si c’était son père et que je n’étais pas là, il avait un problème parce qu’il ne connaît pas le code de déverrouillage du téléphone de son père.
Alors que faire face à ça ? Que dire ?
Toujours à l’écoute
La première chose, et non la plus simple, est d’accueillir.
Alors autant vous dire que pour accueillir ça il faut avoir les reins solides, bien caler sa respiration et ne pas se laisser emporter par nos propres émotions.
Accueillir sa peur. Prendre le temps de l’écouter. Ne pas la balayer d’un revers “on ne va pas mourir”.
La peur est à accueillir avec amour et bienveillance.
Ce n’est pas parce qu’on parle de la mort de quelqu’un que ça va se produire.
Mon fils a le droit d’avoir peur et je trouve ça merveilleux qu’il ait le courage de m’en parler. Il sait qu’il peut me partager ses pensées sans me déstabiliser, sans que je m’effondre. Il peut s’appuyer sur moi.
Alors je l’écoute, je mets des mots sur ce qu’il a du mal à formuler, je l’encourage à me dire ce qui lui fait peur exactement. “Tu as peur de ne pas savoir où aller avec tes sœurs, c’est bien ça ?” “Tu as peur de te retrouver seul et de ne pas savoir qui prévenir ?”
Affronter la situation
Alors, ok, parlons en.
Qu’est-ce que tu pourrais faire si ça se produisait ?
Qui tu pourrais appeler ?
Et si tu n’as pas mon téléphone, qui tu pourrais aller voir ?
Et oui, aussi douloureux que ça puisse paraître, on a exploré toutes les éventualités, tous les scenarii qu’il pouvait imaginer. Pour qu’il ait des solutions, pour qu’il soit préparé. Parce que quand on a peur c’est qu’on a besoin de se préparer.
Évidemment je ne lui ai pas dit froidement “OK, on peut mourir, et comment tu ferais?”
J’ai répondu à ses peurs. Ensemble, on a trouvé des solutions qui le rassurent. Maintenant il sait comment il ferait si ça arrivait. Ça ne veut pas dire qu’il est serein à cette idée mais il sait quoi faire.
Les effets de la diversion
A l’inverse, si je lui avais dit “mais non on ne va pas mourir”, est-ce que ça l’aurait rassuré ?
Je ne pense pas. Si j’ai peur de rater mon examen et qu’on me répond “mais non tu vas y arriver”. Ça ne m’aide pas. Mon émotion est niée, je ne suis pas accompagnée, je n’ai toujours pas de perspectives rassurantes. Parce que je sais au fond de moi que c’est possible.
Lui dire “On ne va pas mourir avant longtemps.” Et qu’est-ce que j’en sais d’ailleurs ?
La vérité
Est-ce que je peux regarder mon enfant dans les yeux et lui promettre que je ne vais pas mourir avant qu’il soit adulte ? J’aimerai bien, c’est sûr.
Mais si ça arrive ? Si demain je me fais renverser par une voiture ? Il se sentira comment ? Je lui aurai menti, il se sentira trahi. Je ne l’aurai pas préparé, il sera démuni.
Ma mère est morte quand j’avais 16 ans, mon petit frère en avait 10. Elle n’était pas malade, elle était à la maison. On regardait la télé, on allait passer à table, et elle est morte. Comme ça, sans prévenir, en un instant, elle est morte. Elle a fait un AVC (accident vasculaire cérébral). Alors non je ne dirais pas à mon fils que je ne mourrais que quand je serais très très vieille. Je n’en sais rien. Personne ne sait.
Rassurer sans mentir
Il ne s’agit pas non plus de l’angoisser et de lui dire que je pourrais mourir à n’importe quel moment.
Je lui ai dit qu’il y a peu de risque, qu’on est en bonne santé, qu’on ne prend pas de risques inconsidérés.
Je lui ai dit aussi qu’on ne le laissait jamais seul, sans adulte pour veiller sur lui et que ce ne serait pas à lui de gérer la situation.
Je lui ai dit qu’il avait d’autres personnes sur qui compter: sa marraine, sa mamie, ses oncles et tantes, nos amis.
Je lui ai dit qu’il ne serait jamais seul.
Je lui ai dit la vérité, les seules choses dont je suis sûre.
Chacun son passé
Parce que mon histoire influence notre histoire.
J’ai conscience que mes enfants n’ont pas la même vision de la mort que d’autres.
Ils savent. Ils savent que c’est possible parce qu’ils connaissent mon histoire.
Ma mère a perdu son premier enfant âgé de 5 ans. J’ai perdu ma mère puis mon père. Mon mari a perdu son père.
Nous ne pouvons pas leur promettre d’être toujours là.
Nous ne pouvons pas leur promettre que tout ira toujours bien.
Nous ne pouvons pas les protéger de la tristesse, de la peur.
Nous ne pouvons que les accompagner et leur ouvrir notre cœur, leur offrir notre écoute, notre accueil, notre soutien.
Se parler en toute confiance
Mon fils avait peur.
Je n’ai pas su d’où lui venaient ses pensées. Les enfants se posent beaucoup de questions sur la mort. C’est bien de vérifier si un événement a été le déclencheur de ces idées, si un copain lui a parlé du décès d’un proche, s’il a vu un film, une image, une scène de vie… Ce n’était pas le cas de mon fils.
Il m’a fait le cadeau de sa confiance et j’en suis reconnaissante.
Je pense que notre discussion lui a fait du bien. Il a pu exprimer son émotion et la traverser. Il en a fait une force, une énergie pour avancer, pour apprendre. Il sait qu’il a maintenant en lui les forces nécessaires pour parer à des situations aussi difficiles. Il peut alors passer à autre chose et ne plus y penser.
Et si un jour vient une autre question sur ce sujet, sur la mort d’un proche ou sur notre mort, il sait que nous l’écouterons. Il sait qu’il sera accueilli. Il sait qu’avoir peur n’est pas une honte, que c’est naturel. Il sait que nous pouvons entendre toutes ses interrogations. Il sait que ce sujet n’est pas tabou.
Je pense que notre boulot de parent ne consiste pas à surprotéger nos enfants, à les couver.
Nous avons à les aimer et à les outiller, à leur donner les ressources nécessaires pour avancer dans la vie, pour grandir, pour pouvoir plus tard voler de leurs propres ailes.
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2 Commentaires
Wow !! Pouf… Simple, vrai, efficace… Écouter pour entendre, comprendre et accompagner… Merci pour ce partage, et cette confiance
Merci à toi Sandra pour ton commentaire qui me va droit au coeur ! 🤗