Sur tous les blogs et articles de parentalité, on parle d’attachement. “Favoriser l’attachement”, “la figure d’attachement”, “l’importance de l’attachement”….
Mais de quoi parle-t-on au juste ?
Le climat actuel
Avant de te parler de ce concept, j’aimerais t’expliquer un peu la situation en France et pourquoi on est un peu à la traîne sur ce sujet. Tu comprendras ainsi pourquoi on entend encore autant de phrases comme “il va prendre le pouvoir sur vous”, “il vous manipule”…
En France, tout le domaine de l’enfance est encore très imprégné de la psychanalyse de Freud. Dans la plupart des écoles de médecine, de psychologie, de sage-femmes et de la plupart des métiers de la petite enfance, on enseigne encore les théories de Freud. Et ça a un impact important sur tous les discours des professionnels.
Que dit Freud ?
Pour Freud, l’enfant est un être de vices, de pulsions.
En clair, tu fais naître un petit monstre qui va tout faire pour te pourrir la vie et assouvir ses plus bas instincts. Ton boulot de parent est donc de le frustrer, de lui poser des limites, pour qu’il devienne un être acceptable et aimable.
Je caricature mais l’idée est là. Donc, dans cette version fort optimiste de l’espèce humaine, le père a pour rôle de s’interposer entre la mère et l’enfant pour casser cette fusion qui serait malsaine.
Je ne m’attarderai pas sur la nature sexuelle des pulsions de l’enfant, selon Freud… Certains psychanalystes (pas tous heureusement) allant même jusqu’à dire que les enfants victimes d’abus sexuels en seraient en partie responsables et ne souffrent pas tant que ça de cette situation… Oui, ça donne envie de vomir !
Rappelons qu’à l’époque de Freud, le seul moyen d’étudier le cerveau des gens était d’attendre leur décès…
Heureusement, aujourd’hui, on a l’imagerie cérébrale et on peut observer et mesurer l’activité du cerveau des enfants et des adultes, sans faire de mal à personne ! Grace aux neurosciences, on peut aujourd’hui mesurer l’importance d’une approche empathique de l’enfant. Être à l’écoute des besoins de son enfant l’aide à maturer son cerveau.
La théorie de l’attachement s’inscrit donc dans un registre complètement différent de la psychanalyse.
La théorie de l’attachement
C’est John Bowlby, en 1958, qui a développé la théorie de l’attachement. Il a rassemblé les travaux d’autres chercheurs, notamment sur l’hospitalisme, et fait ses propres recherches en ce sens.
Une des observations de base qui a mené à ce concept d’attachement a été faite sur les enfants d’orphelinats. Ceux ci étaient bien nourris, lavés, changés mais ne bénéficiaient d’aucun lien, aucune relation. Ces enfants ont développé des carences et des troubles du développement sévères. C’est comme ça que l’on a pu prendre conscience de l’importance des interactions. L’enfant n’a pas juste besoin d’être nourri. Il a un réel besoin, de façon vitale, d’être en relation.
Une question de survie
Quand l’enfant naît, il ne peut pas subvenir à ses besoin seuls. Tout le monde l’a remarqué, le nouveau-né est incapable de se nourrir seul ! Il est donc dépendant de l’adulte pour sa survie. L’attachement est donc un mécanisme biologique qui sert à la survie !
S’attacher à un adulte est indispensable à l’enfant. Ce n’est donc pas de la manipulation ou une fusion excessive mais bel et bien une obligation biologique.
A la naissance, le nouveau-né est donc doté d’outils lui permettant de se lier avec l’adulte et de manifester ses besoins : les pleurs, le regard, le réflexe d’agrippement et de succion… Il est programmé pour s’attacher.
Attachement et amour
Le lien d’attachement se tisse donc dès la naissance, et même, dans une certaine mesure, dès la vie intra utérine. Dans les premiers mois de vie, le bébé va donc se lier à une figure d’attachement principale et d’autres, dites secondaires.
Et là, je tiens à préciser quelque chose d’important : l’enfant ne choisit pas sa figure d’attachement principale. Il ne s’agit pas d’amour ou de préférence mais de survie. Elle sera donc la personne qui répond le plus souvent à ses besoins. Il est plutôt question de quantité de présence que de qualité. C’est pourquoi, la mère est souvent la figure d’attachement principale. Ce qui ne veut pas dire que l’enfant aime moins son père. C’est aussi la raison pour laquelle un nourrisson s’attachera à l’adulte qui s’occupe de lui, même si celui-ci ne répond pas correctement à ses besoins. Par contre, cet attachement ne lui procurera pas la sécurité et la stabilité recherchée.
Amour et attachement sont liés, bien sûr. Mais on peut aimer son enfant sans parvenir à répondre à ses besoins. Certaines mères, certains pères, ne sont pas toujours en mesure d’être en lien avec leur bébé. La dépression, la maladie, des vécus douloureux autour de la naissance, peuvent altérer le lien qui se crée les premiers mois. Il sera alors important de travailler sur soi, de guérir ces blessures, afin de rétablir un lien sécurisant avec son enfant.
Tisser un lien solide
Pour favoriser un lien sécurisant, le parent doit répondre aux besoins de son enfant de façon appropriée et prévisible. En clair, par exemple, quand le bébé a faim, l’adulte qui s’en occupe lui donne à manger. Il ne le couche pas ou ne fait pas : un jour, je m’occupe de toi, un jour, je t’ignore.
Et là, j’en vois qui se disent : “oulala mais si je me trompe, si je lui donne à manger alors qu’il avait sommeil…” Pas de panique ! L’idée n’est pas d’être à 100% gagnant et de lire dans les pensées de notre petit bout de 3 semaines. L’important est d’être dans le lien, dans l’écoute.
Pour l’alimentation, par exemple, c’est nourrir l’enfant à sa demande et non à des horaires tout droit sortis de livres. Pour le sommeil, respecter son rythme et ne pas chercher à tout prix à le caler sur une chronologie dite “standard”. A ce sujet, je précise que nous sommes des êtres vivants et non des robots. Par conséquent, on ne peut pas définir de schéma d’alimentation et de sommeil valable pour tous les enfants. Est-ce que tu manges et dors comme ton voisin toi ? Et même est-ce que tu manges et dors tous les jours de la même façon ?
« Et si parfois je suis trop fatiguée, que je n’arrive pas à être à l’écoute ? »
Là encore, pas de panique. On ne peut pas être dans la pleine présence et dans le plein contact 24h/24. C’est naturel. C’est humain. Il s’agit d’être à l’écoute la plupart du temps, à la hauteur de nos possibilités. Encore une fois, il est indispensable de prendre soin de soi et de se donner de l’empathie. Nous avons tous le droit à l’erreur. (Concepts à retrouver dans l’ebook à télécharger gratuitement ICI.)
Se sécuriser pour pouvoir explorer
Donc, en se montrant à l’écoute de notre enfant, nous lui donnons une base de sécurité forte. On l’aide à s’apaiser et à construire sa confiance. C’est grâce à ce sentiment rassurant qu’il pourra s’éloigner de sa figure d’attachement et aller à la découverte du monde.
Schématiquement, le bébé vient au monde, il a besoin de quelqu’un pour s’occuper de lui. Arrive alors son père ou sa mère. L’enfant appelle, le parent répond. A chaque appel, ou presque, le nouveau-né reçoit une attention rassurante. Il sait qu’il peut compter sur sa figure d’attachement. Il a testé plusieurs fois, c’est bon, il a confiance. Il apprend aussi qu’il compte pour quelqu’un, qu’il a de la valeur. Alors il peut s’éloigner, un peu, puis revenir. Son parent est toujours là et s’occupe toujours de lui à son retour. Il peut donc recommencer, peut-être un peu plus loin cette fois, un peu plus longtemps. Et ainsi de suite.
C’est donc en se montrant présent et en répondant aux besoins de notre enfant qu’on va l’aider à être autonome. Et non en le laissant seul, en stress, dans l’idée qu’il va apprendre tout seul à se sécuriser. La figure d’attachement est une base solide, un pilier sur lequel s’appuyer et où venir se recharger.
Un lien solide et souple
On parle de lien mais pas de chaînes. Ce n’est pas une prison ni pour l’un ni pour l’autre. Ce lien est à la fois solide et souple. Je le vois plus comme un élastique : plus il est résistant et solide et plus on peut s’éloigner sans risquer de le rompre. Alors on n’hésite pas à le renforcer ! On câline, on écoute, on sourit, on joue !
C’est un lien qui se tisse les premiers mois de vie mais qui se retisse encore et encore chaque jour. Et il n’est pas unique. Nous avons tous des figures d’attachement. Quand on est enfant ce sont nos parents, frères et soeurs. Pour un enfant en crèche, la personne qui s’occupera le plus de lui, sa référente, sera une figure d’attachement. Une nounou ou une assistante maternelle aussi remplira ce rôle important pour la sécurité émotionnelle de l’enfant.
Même adulte, nous avons nos figures d’attachement : nos amis ou amoureux. Comment savoir qui est-ce ? Réfléchis quelques instants, si tu vis une situation dramatique, une très mauvaise nouvelle, une grande peur, qui appelles-tu ? Voilà, c’est elle ! La personne qui te rassure, qui te réconforte. Celle sur qui tu sais que tu peux compter. C’est un rôle important à jouer dans la vie de quelqu’un.
Une nécessaire disponibilité
Et, en même temps, c’est parfois un rôle fatigant, contraignant.
Parce que, pour ton enfant, savoir que tu es accessible, toi, sa figure d’attachement, c’est primordial.
Selon l’âge, bébé, moyen, ado, cette disponibilité ne prend pas la même forme. Le tout petit a besoin de ta présence réelle, de ton contact. Selon son mode sensoriel de préférence, tactile, auditif, visuel ou olfactif, il sera sécurisé par le fait de te toucher, de t’entendre, de te voir ou de te sentir. Ce qui rend parfois la tâche compliquée. Parce que si, la plupart du temps, tu peux parler à ton enfant, tu ne peux pas toujours le prendre contre toi ou le toucher. Mais ça, ton loulou ne peux pas le comprendre. Pour lui c’est un véritable besoin biologique. C’est ce qui fait que certains enfants paraissent plus difficiles que d’autres. Ils n’ont juste pas le même mode de communication.
En grandissant, il aura moins besoin de ta présence réelle mais plus de ta disponibilité. Juste savoir que tu lui répondra s’il en a besoin. Ça parait simple dit comme ça. Je te donne une petite illustration : ton fils joue tranquillement à côté de toi. Il semble ne pas se soucier de toi. Tu te dis “chouette, il est calme, je vais en profiter pour passer un coup de téléphone/ faire à manger / avancer mon travail.” Et là, évidemment, au moment où tu commences, il te réclame de façon urgentissime ! Et oui, tu n’étais plus disponible, son système d’alerte s’est enclenché. Son comportement n’a qu’un seul but : garder le lien. Ce sont des réactions biologiquement programmées. Il peut se mettre à pleurer, appeler mais aussi s’agripper, taper… Il cherche à te faire revenir à lui.
Passé cette période, il se contentera de savoir comment accéder à sa figure d’attachement. Ce sera donc un peu plus facile à gérer au quotidien.
Mais, encore une fois, tout ceci dépend des enfants, des parents et de l’environnement.
Dans un climat de stress et de tensions, ta fille peut avoir besoin d’une plus grande disponibilité de ta part. Dans ce cas là, le fait de te savoir dans les parages ne sera plus suffisant. Elle réclamera ton contact, ta pleine présence.
La crise du soir
Et puis il y a la fameuse décharge de stress qui est souvent réservée à la figure d’attachement principale. Celle-là, c’est pas le plus beau des cadeaux de la parentalité. Et pourtant…
Quand ton enfant a passé sa journée à l’école. Qu’il s’est bien tenu, qu’il a respecté les consignes, qu’il s’est concentré… Il a accumulé beaucoup de stress, de tensions. Celles-ci sont présentes dans son corps et ont besoin d’être évacuées. La décharge de toutes ces tensions nécessite d’être en sécurité, en totale confiance. Ce havre de paix, ce sas de décompression, c’est toi ! C’est pour ça que tu peux te retrouver avec une vraie tornade, ta fille qui saute dans tous les sens, fait n’importe quoi, ton fils qui se met à crier, à se rouler par terre. Comment savoir que c’est une décharge de stress ? Regarde-le. Son corps part dans tous les sens. Ses mouvements ne sont pas coordonnés. Il ne se contrôle plus.
Dans ce cas, rien ne sert de s’énerver ou d’essayer de le raisonner. Attend juste un peu que son cerveau se reconnecte. Parle-lui calmement et empêche-le de se faire mal ou de blesser quelqu’un.
Certains, ta belle-mère peut-être, te diront : “je ne comprends pas, avec moi il est très sage.” D’un air de dire que, elle, au moins, elle sait y faire. Tu peux être étonné aussi de voir la différence entre ce que te décrivent les maîtresses de ton enfant sage et agréable et ce que tu vis toi… Une boule d’énergie qui saute dans tous les sens et fait plein de bêtises. Alors rassures-toi, c’est naturel. Il libère ses tensions avec toi.
Tu trouves ça pénible et fatigant ? C’est vrai ! Ca l’est ! La bonne nouvelle c’est que plus tu l’accueille avec bienveillance et d’un amour inconditionnel, plus il se sentira en confiance et plus il apprendra à gérer ses états là.
L’attachement, un lien merveilleux
L’attachement est un lien magique qui permet à l’enfant de se lier à la vie. Il l’aide à construire sa confiance, son identité. Il assure sa survie et sa protection.
Ce lien se tisse et se consolide tout au long de la vie, par nos échanges, nos contacts, nos sourires, nos moments complices, nos jeux, nos rires. Il nous rapproche et nous remplit.
Penses-y la prochaine fois que ton enfant décharge ses tensions avec toi. Tu es son pilier, sa base de sécurité. Tu es la personne qui l’aime et qui l’aimera toujours quoiqu’il fasse et quoiqu’il arrive !